Après que le français Alstom et l’allemand Siemens ont vu leur offre de fusion rejetée par la commission européenne, en début d’année, le chinois CRRC s’apprête à débarquer en Europe. Le leader mondial des équipementiers ferroviaires va racheter le groupe allemand Vossloh.
Vossloh cède une division déficitaire
Le 26 août, au terme d’un processus long et difficile, l’allemand Vossloh a annoncé la cession de sa division dédiée aux locomotives au chinois China Railway Rolling Stock Corporation (CRRC). Le montant que touchera Vossloh n’est pas connu, mais sa branche Locomotives était déficitaire, ce qui explique sans doute la longueur du processus. L’on pense donc que l’opération ne coûtera pas cher à CRRC. A travers cette cession, le groupe allemand veut se recentrer sur les autres équipements ferroviaires, notamment ceux de voie et les services de maintenance, qui sont profitables.
Un rachat stratégique pour CRRC
Si CRRC risque de ne pas gagner d’argent avec cette acquisition dans un premier temps, il met cependant pied sur le continent européen. Jusqu’ici, le numéro un mondial des équipementiers ferroviaires avait vendu quelques rares trains en Europe centrale. Mais les différences de normes ferroviaires entre l’Europe et la Chine, un train à grande vitesse produit par CRRC en Chine ne pourrait pas rouler sur le réseau européen. Et c’est là que le rachat de Vossloh Locomotives s’avère intéressant. En effet, « cette opération doit permettre à CRRC d’apprivoiser les processus européens d’homologation, afin d’investir un marché dont il est aujourd’hui absent », commentent les analystes d’Invest Securities ce matin.
Cependant tout n’est pas encore gagné pour le leader chinois. Les autorités de la concurrence, dont la Commission européenne qui avait bloqué la constitution de SiemensAlstom, doivent encore se prononcer sur l’opération.
Margrethe Verstager n’a pas vu juste
En février 2019, la Commission européenne avait interdit Alstom de fusionner avec la division Mobility de Siemens, les deux challengers de CRRC. Son argument était que les deux fabricants de trains auraient acquis une position dominante en Europe, notamment dans les trains à grande vitesse. Or les deux groupes voulaient se rapprocher pour faire face au colosse chinois, qui venait tout juste d’être créé par les soins de Pékin. « Les raisons qui poussaient Alstom à se rapprocher de Siemens étaient bien un risque fort dont la concrétisation se dessine beaucoup plus rapidement que prévu par la Commission européenne elle-même qui a refusé aux deux constructeurs de se regrouper face au géant Chinois », affirment les spécialistes.
Face à la crainte des groupes allemand et français de disparaître sur leur propre marché à cause du mastodonte gonflé d’argent CRRC, Bruxelles a dit qu’il n’y a pas de raison de paniquer. « Il n’y a aucune perspective d’entrée des Chinois en Europe dans un avenir prévisible », avait assuré la commissaire à la concurrence Margrethe Verstager.
Bloquer l’arrivée de CRRC et/ou autoriser la fusion d’Alstom et Siemens ?
Pourtant Vossloh a ouvert la voie à CRRC, qui est en train de faire ses valises pour l’Europe. Pour certains observateurs, animés par une peur rouge, les nouveaux commissaires européens qui prendront leurs fonctions le 1er novembre peuvent empêcher l’arrivée des chinois sur le continent en rejetant l’offre de cession. Pour eux il n’y a pas de raison d’ouvrir le marché européen aux Chinois alors qu’ils ferment le leur.
Notons qu’à défaut d’interdire le marché européen à CRRC, les commissaires européens pourraient autoriser la fusion d’Alstom et Siemens. Ce serait le moindre mal car le mastodonte chinois pèse deux fois plus que les deux fabricants réunis.
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