Comme on le pressentait depuis le coup d’Etat de juillet 2023, le Niger commence à retirer des actifs à Orano. Niamey a repris la semaine dernière la mine d’uranium d’Imouraren dans le nord du pays. Cette décision intervient à la suite d’une mise en demeure et d’un ultimatum de trois mois. Mais elle pourrait aussi être liée aux manœuvres du russe Rosatom, qui lorgne sur les parts de marché du groupe français.
Le Niger a retiré, jeudi dernier, le permis d’exploitation du gisement d’uranium Imouraren à l’entreprise française Orano, anciennement baptisée Areva. Cette mine, l’une des plus importantes au monde, abrite des réserves estimées à 200 000 tonnes. La société tricolore dit avoir pris acte de la décision de Niamey, qui n’a pas communiqué sur le sujet.
Orano n’aurait pas honoré ses engagements
Mais début mai, le commissaire colonel Ousmane Abarchi, ministre des mines, avait mis en garde contre un retrait du permis après avoir constaté que « les travaux d’exploitation n’ont pas commencé ». Il s’était plaint qu’Orano n’ait jamais honoré ses engagements malgré deux mises en demeures ainsi que des reports accordés à sa demande.
Le groupe français a protesté que les infrastructures avaient d’ores et déjà été rouvertes depuis le 4 juin 2024 pour accueillir les équipes de construction et faire avancer les travaux. Pour rappel, le permis d’Imouraren lui avait été accordé en janvier 2009. La production devait démarrer en janvier 2011 pour une première livraison prévue en 2012.
Niamey en conflit avec Paris depuis le putsch de juillet 2023
Mais la chute des prix de l’uranium sur le marché mondial, après l’accident nucléaire de Fukushima au Japon en 2011, avait gelé les opérations. Le Niger avait alors donné un délai en 2015, puis le 12 juin dernier pour démarrer la production. Mais Orano ne se serait pas exécuté, quand bien même il dit avoir lancé des travaux préparatoires. Le géant nucléaire français dit regretter la décision de Niamey, d’autant qu’il aurait investi plus de 1 milliard d’euros dans le projet.
Le régime militaire au pouvoir au Niger depuis le coup d’Etat de juillet 2023 entretient des relations tumultueuses avec Paris. Prétendant lutter contre la prédation de la France, il envisage de revoir en profondeur les contrats miniers sur son sol. Bien avant de s’attaquer aux matières premières, il avait déjà obtenu le départ des soldats français et de l’ambassadeur de France, aidé par la population.
Le russe Rosatom lorgne sur les actifs d’Orano
Le fort sentiment anti-français existe aussi au Burkina Faso et au Mali, pays avec lesquels le Niger a formé l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Cette organisation politico-militaire érige la souveraineté nationale en priorité absolue. En tant que compagnie française (à 90% possédée par l’Etat français), Orano était donc sur un siège éjectable depuis plusieurs mois. Si elle exploite encore un site dans la région d’Arlit, ce n’est peut-être plus pour longtemps.
Rosatom, le géant russe du nucléaire, lorgnerait d’ailleurs sur ses parts de marché d’uranium au Niger. Il mènerait dans le secret des discussions avec les militaires pour reprendre les actifs du groupe français, alors que celui-ci n’est pas vendeur. Quand on sait que les putschistes et le Kremlin sont devenus des partenaires, on peut craindre pour l’entreprise française et même pour l’approvisionnement de l’Hexagone.
Pas de risque sur le court terme pour la France
Mais Paris assure qu’il n’y a pas de raison de paniquer. Le Niger ne fournirait que 4,7 % de la production mondiale d’uranium naturel, loin derrière le Kazakhstan (45,2 %), même s’il pèse pour un quart de l’approvisionnement des centrales nucléaires européennes. La France souligne aussi qu’elle a déjà fait des stocks pour les cinq prochaines années, en anticipation de la décision de Niamey. Mais c’est plutôt sur le long terme qu’il faut craindre car l’uranium des autres pays n’est pas aussi abordable que celui du Niger…
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