Les désastres, nouveau terrain de jeu des investisseurs

La multiplication alarmante des phénomènes périlleux a fait naître un juteux business baptisé « cat bonds ». Ce diminutif d’ »obligations catastrophes » désigne des titres financiers atypiques permettant aux assureurs de transférer aux marchés le risque financier lié aux désastres naturels.

À travers sa structure bermudienne Mayflower Re, la Massachusetts Property Insurance Underwriting Association (MPIUA), une association d’assurance de marché résiduel de l’État du Massachusetts au nord-est des États-Unis, a levé 150 millions de dollars auprès d’investisseurs.

L’objectif de ce fonds ? Lui servir de bouclier financier si des événements climatiques tels que des tempêtes, des orages violents et autres tempêtes hivernales dépassant 1,75 milliard de dollars de dommages frappaient la région entre juin 2025 et juin 2028.

Avec une probabilité de déclenchement d’à peine 1%, les investisseurs devraient encaisser des rendements avoisinants 3,5% annuels. Autrement dit, les investisseurs ont 99% de chances de récupérer leur mise de départ avec un bonus de 3,5% par an.

Disponibles sur le site internet d’une plateforme nommée Artemis, les informations évoquées plus haut décrivent les mécanismes d’une obligation. Sauf qu’il ne s’agit pas d’une obligation comme une autre, car adossée à une catastrophe naturelle.

Une réponse à l’incertitude climatique

C’est ce qu’on appelle « cat bonds » ou obligations catastrophe. Ces titres financiers atypiques permettent aux assureurs de transférer aux marchés le risque financier lié aux pandémies, aux cyberattaques ou encore aux désastres naturels, dont des inondations, des tremblements de terre, des cyclones…

Autant dire une forme de pari sur l’absence de catastrophe sur une période donnée – généralement entre trois et cinq ans –, qui promet des rendements attractifs aux investisseurs audacieux.

Apparus dans les années 1990 dans le sillage de catastrophes naturelles majeures comme l’ouragan Andrew et le séisme de Northridge, à l’origine de pertes sans précédent dans le secteur de l’assurance, les cat bonds jouent le rôle de remparts financiers face à la nature de plus en plus intense et imprévisible des périls naturels favorisés entre autres par le changement climatique.

Un phénomène en expansion

Depuis, le phénomène a connu une expansion fulgurante estimée actuellement à 40 milliards d’euros Mara Dobrescu, spécialiste de l’obligataire chez l’entreprise de gestion d’actifs basée à Chicago, Morningstar. Soit une valeur doublée en dix ans, indique-t-elle dans le journal Le Monde.

« Une croissance portée par le secteur de l’assurance, qui n’arrive plus à gérer des catastrophes de plus en plus fréquentes avec ses capitaux propres », appuie la spécialiste alors que la Banque centrale européenne et l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles ont fortement milité en 2023 pour ce mode de financement.

Pour l’investisseur, c’est la garantie d’empocher gros. Moins de 3% de la valeur totale émise en trois décennies n’aurait pas été remboursée, selon les données d’Artémis. Mais l’investisseur s’engage sans véritable visibilité, comme le relève Mara Dobrescu.

« Calculer la probabilité d’une catastrophe requiert une expertise de statisticiens. Or, les modèles longs sur lesquels ils se basent sont peut-être obsolètes à l’heure du changement climatique », met-elle en garde dans les colonnes du Monde.

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