La nouvelle coalition à la tête de l’État allemand prévoit de favoriser l’adoption de moyens de paiement autres que les espèces sonnantes et trébuchantes. Un chantier d’envergure, tant l’utilisation de l’argent liquide est profondément enracinée dans ce pays.
« Nous souhaitons que l’argent liquide et au moins une option de paiement numérique soient progressivement proposés », peut-on lire dans le contrat de coalition entre l’Union chrétienne-démocrate (CDU), l’Union chrétienne-sociale en Bavière (CSU) et le Parti social-démocrate (SPD), la nouvelle force dirigeante allemande.
Intitulé « Responsabilité pour l’Allemagne », le document aborde plusieurs aspects concernant les paiements et l’utilisation des espèces dans le pays, à travers la promotion de l’euro numérique et d’autres paiements dits modernes, en plus du cash.
Les objectifs sont multiples : faciliter l’intégration des services publics dans un environnement numérique, promouvoir la souveraineté numérique, assurer la protection des consommateurs et moderniser l’économie nationale.
Surtout, selon les autorités, ces mesures devraient permettre d’accroître la transparence des transactions et de réduire la fraude. Ce n’est pas un secret que les paiements en espèces sont anonymes et donc intraçables numériquement, ce qui complique considérablement la tâche des autorités fiscales.
Une question devenue cruciale
Entre les cas de non-déclaration des revenus et le développement de l’économie informelle, les populations parviennent ainsi à échapper à leurs obligations envers le fisc. À cet effet, une fraude à la TVA d’un montant de 26 millions d’euros a récemment été démantelée, avec des condamnations à des peines de prison.
Selon les estimations citées dans la presse locale, entre 10 et 15 milliards d’euros échapperaient chaque année au fisc allemand dans les secteurs où domine le cash, notamment la restauration.
Face à cette perte de recettes fiscales programmée, mieux contrôler les transactions devient un impératif. Cette vigilance est d’autant plus cruciale que les nouvelles autorités prévoient, à la demande des chrétiens-démocrates, de réduire la TVA dans la restauration de 19% à 7% à partir de 2026.
Une histoire d’identité et de contrôle
Mais la tâche s’annonce ardue en raison de la popularité de l’argent liquide chez les Allemands. D’après les données de la Bundesbank, en 2023, 51% des transactions effectuées en Allemagne étaient encore réglées en espèces. Soit une proportion bien supérieure à celle de certains de ses voisins, dont la France (43 %).
Plus frappant encore : les Allemands gardent en moyenne 103 euros en liquide dans leur portefeuille – un montant remarquablement stable au fil des ans – et 573 euros en réserve à leur domicile.
« L’argent liquide est un marqueur identitaire. Alors que des pays comme la Suède considèrent les paiements sans numéraire comme un signe de progrès, les espèces sont perçues en Allemagne et en Autriche comme le reflet d’une approche sérieuse, raisonnable et indépendante de l’argent, indiquant une préférence pour la stabilité plutôt que pour l’enthousiasme technologique« , explique Erich Kirchler, psychologue d’entreprise et professeur à l’université de Vienne, dans les colonnes du journal Le Monde.
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