Le Royaume-Uni au risque de perdre ses grandes fortunes ?

Le pays qui vient de supprimer une niche fiscale vieille de deux siècles voit ses riches étrangers tourner les talons. Faut-il craindre un effet boomerang de cette réforme censée améliorer la redistribution des revenus ?

Londres se vide de ses millionnaires. Selon la firme immobilière Knight Frank citée par le Wall Street Journal (WSJ), les ventes de propriétés résidentielles de plus de 10 millions de dollars ont chuté de 37% au premier trimestre, tandis que les prix atteignent leur plus bas niveau depuis 10 ans.

Dans le même temps, les négociations s’éternisent désormais, selon Stuart Bailey, responsable des ventes super-prime de l’agence dans la capitale britannique. Le cas de Bassim Haidar illustre parfaitement cet exode londonien.

Cet homme d’affaires nigéro-libanais, installé à Londres depuis 2010, a décidé de quitter définitivement le Royaume-Uni cet été. « Je m’en vais », a-t-il déclaré au WSJ, expliquant ne plus se sentir « le bienvenu » dans son pays d’adoption.

Cette décision s’explique par sa volonté d’échapper à une ponction fiscale supplémentaire devenue inéluctable depuis la suppression, le 6 avril 2025, du statut de « non-domicilié » ou « non-dom ».

La fin d’un régime d’exception

Ce régime d’exception, datant de 1799, permettait aux étrangers résidant au Royaume-Uni de ne payer des impôts que sur leurs revenus domestiques, ignorant totalement les profits générés à l’étranger tant qu’ils n’étaient pas rapatriés sur le sol britannique.

Mais l’État a décidé d’y mettre un terme, avec comme ambition de renflouer les caisses publiques de 45 milliards de dollars d’ici 2030 en contraignant cette élite financière à contribuer équitablement au financement des services publics.

« Si vous choisissez de vivre au Royaume-Uni, vous devez payer vos impôts ici, contribuer à notre service de santé, notre défense, notre police… », justifiait Rachel Reeves, la nouvelle chancelière de l’Échiquier, à l’agence Bloomberg, l’année dernière.

Depuis, les ultra-riches scrutent la planète à la recherche de cieux fiscaux plus cléments. Le cas de Haidar est révélateur. Tirant l’essentiel de ses revenus d’entreprises créées à l’étranger, il estime que la réforme multipliera sa facture fiscale britannique par cinq à sept.

Le coût de la justice sociale ?

Père de cinq enfants, il redoute également les 40% de droits de succession qui s’appliqueraient désormais à l’ensemble de son patrimoine mondial. La solution ? Vendre ses propriétés britanniques et partager son temps entre Dubai et la Grèce.

Les destinations européennes comme l’Italie, Malte, le Portugal et la Suisse figurent en tête des choix d’exil privilégiés par « plus de 65 % des millionnaires ayant quitté le Royaume-Uni en 2024 », selon Stuart Wakeling, associé de la firme Henley & Partners.

Bien que l’État ait anticipé ces départs à travers son organisme indépendant de surveillance budgétaire, cela n’en constitue pas moins un manque à gagner pour le pays. Rien d’alarmant toutefois selon Andy Summers, professeur associé de droit à la London School of Economics.

« Ce n’est pas la première fois que les conseillers en patrimoine annoncent la fin du monde », observe-t-il dans le Wall Street Journal, soulignant qu’« il est difficile de justifier qu’un groupe de personnes vivant au Royaume-Uni paie moins d’impôts que les autres ».

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