L’argent trouble du foot anglais

Une nouvelle étude pointe des failles susceptibles de favoriser des mouvements illicites de fonds dans la structure de propriété de plusieurs clubs de football britannique.

Le football anglais serait-il vérolé ? Il existe des chances que ce soit le cas, d’après les conclusions d’une enquête publiée le 3 décembre 2024 dans « Sport in Society », une revue internationale évaluée par les pairs, à propos des clubs de la Premier League (PL), le championnat d’élite du Royaume-Uni.

« Notre objectif n’est pas de déterminer si des finances illicites transitent effectivement par la Premier League, mais plutôt de mettre en évidence les conditions existantes qui peuvent permettre l’utilisation abusive de l’industrie du football à cette fin par des acteurs motivés« , écrivent des criminologues de l’Université de Manchester chargés de l’enquête.

Des propos motivés par l’étendue des découvertes lors de l’analyse des structures de propriété de chacun des 20 clubs de la division impliqués lors de la saison 2023-2024. Des schémas pour le moins opaques conçus à travers des montages complexes.

« Douze des 20 clubs ont au moins 10% de leurs participations qui – en raison de dispositions de confidentialité – ne peuvent pas être formellement retracées jusqu’à leurs bénéficiaires effectifs« , dévoile le Dr Pete Duncan, l’un des auteurs, cité par The Guardian.

Un labyrinthe financier qui défie toute logique

Manchester United, géant du royaume, fait figure d’exemple frappant avec pas moins de 13 entités juridiques différentes impliquées dans sa chaîne de propriété. Cette multiplication des structures intermédiaires rend pratiquement impossible toute tentative de suivre le fil de l’argent.

Aston Villa s’illustre en dispersant ses intérêts à travers quatre différents territoires offshores, dont les Îles Caïmans, Chypre, le Luxembourg et les États-Unis. De quoi brouiller totalement les pistes et ainsi créer un véritable dédale juridico-financier.

Sur l‘ensemble clubs étudiés, 14 ont au moins une société offshore dans leur chaîne de propriété.

Les chercheurs ont identifié trois conditions principales qui peuvent faciliter les activités illicites : des structures de propriété inutilement complexes, l’utilisation de juridictions réputées pour leur secret bancaire et l’absence de transparence sur les véritables propriétaires.

Un système qui appelle à la réforme

« Ces conditions ne prouvent pas en elles-mêmes l’existence d’activités illégales, précise l’enquête, mais elles créent un environnement propice à leur développement si certains acteurs sont mal intentionnés« .

Face à ces constatations, les auteurs appellent à une refonte en profondeur du système de contrôle des propriétaires et dirigeants de clubs (ODT). Le salut pourrait provenir, selon eux, du projet de loi sur la gouvernance du football actuellement en discussion au Parlement britannique.

Le texte prévoit notamment d’étendre les contrôles à toute personne cherchant à acquérir plus de 25% d’un club ou à exercer une « influence significative » sur ses activités. Les chercheurs recommandent également au futur régulateur indépendant du football anglais d’instaurer des vérifications approfondies sur l’origine des fonds et des procédures de diligences renforcées.

Au-delà des enjeux financiers, il y va de l’intégrité même du football. « L’exposition de flux financiers illicites pourrait sérieusement compromettre l’avenir des clubs, avec des conséquences dramatiques pour ceux qui y sont le plus attachés« , pointe le document d’une vingtaine de pages.

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