La fiscalité numérique, clé des négociations commerciales Ottawa-Washington ?

Le Canada vient de suspendre, juste avant son entrée en vigueur, sa taxe sur les services numériques ciblant les géants technologiques américains, afin de désamorcer l’escalade des droits de douane avec les États-Unis.

Le Canada a annoncé, dimanche 29 juin, la suspension de son Digital Services Tax (DST) ou taxe sur les services numériques afin de favoriser la reprise des négociations commerciales avec les États-Unis.

« L’annonce d’aujourd’hui soutiendra la reprise des négociations dans le délai du 21 juillet 2025 fixé lors du sommet des dirigeants du G7 de ce mois-ci à Kananaskis », a déclaré le Premier ministre canadien Mark Carney dans un communiqué cité par la chaîne américaine CNBC.

Le 16 juin, le successeur de Justin Trudeau avait en effet conclu un accord avec Donald Trump leur accordant 30 jours pour négocier les tarifs douaniers entre leurs deux pays.

Ce cessez-le-feu commercial a failli être compromis par la collecte de la DST, initialement prévue pour le lundi 30 juin. D’où l’annonce le vendredi 27 juin, du président américain, de la fin des négociations avec son voisin du nord.

Une facture rétroactive polémique

« En raison de cette taxe scandaleuse, nous mettons fin à toutes les discussions commerciales avec le Canada, avec effet immédiat », avait écrit celui-ci sur son réseau social Truth Social, agitant la menace de nouveaux droits de douane contre le Canada dans les sept jours suivants.

Pour le dirigeant républicain, cette DST représente un « coup direct et évident » porté aux États-Unis. Cette taxe impose un prélèvement de 3% sur les revenus provenant de certains services numériques qui dépendent de l’engagement, des données et des contributions de contenu des utilisateurs canadiens.

Pour y être assujettie, une firme doit afficher un chiffre d’affaires global supérieur à 750 millions d’euros et générer au Canada des recettes annuelles dépassant 20 millions de dollars canadiens (12,5 millions d’euros).

Cela fait des mastodontes de la Silicon Valley, des cibles idéales pour cette mesure dont l’aspect le plus contesté concerne sa rétroactivité. En effet, le gouvernement canadien a décidé d’appliquer cette taxe depuis janvier 2022, créant une ardoise de plus de deux milliards de dollars que les entreprises américaines devront régler dès le premier paiement.

Un rétropédalage sujet à question

Avec la suspension de cette taxe, cette décision soulève des interrogations du côté canadien. D’autant plus que le pays devait récolter plus de sept milliards de dollars sur cinq ans grâce à elle.

Pour Daniel Béland, professeur de sciences politiques à l’Université McGill de Montréal, il s’agit d’une « nette victoire » pour Donald Trump. « Cette décision était peut-être inévitable dans le contexte des négociations commerciales canado-américaines, mais le Premier ministre Carney a cédé rapidement pour apaiser le président Trump », analyse-t-il pour Radio-Canada.

La crainte de nombreux observateurs est qu’Ottawa ait désormais épuisé ses moyens de pression pour infléchir la position américaine sur les droits de douane.

Laissez un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.